T’as pas 100 roupies ? La question de la mendicité à l’étranger

Être généreux c'est bien mais comment répondre à la mendicité par une bonne attitude et une vraie bonne action ?

Vous voilà tout frais débarqué de l’avion et ça commence : Please Help, please ! Vous êtes assaillis de toutes parts par des enfants, des mamans, des grands-pères, des mamies, des handicapés… Dans certains pays les mendiants sont légions et visent particulièrement les touristes et les voyageurs. Cette mendicité prend parfois des allures de harcèlement et il devient difficile de trouver la bonne attitude. Non seulement il est impossible de sauver tous les démunis mais il est encore plus compliqué d’être sûr que votre générosité sera bien utilisée.
Comment faire face à ces incessantes demandes, ces centaines de mains désespérées qui se tendent vers vous ? Voici quelques éléments de réponse pour réagir face à la mendicité. Bien sûr donner aux plus démunis est important et reste une bonne action. Mais attention au contexte et à qui vous faites l’aumône. Un peu de mesure et de réflexion s’imposent.

Pour certains touristes, la mendicité n’est pas un problème et ils se montrent très généreux

Ces touristes sauveurs ont de la compassion, de la compréhension et partagent leurs possessions : pièces et billets sortent de leurs poches à profusion, sans négociation pour faire de bonnes actions. C’est gratuit, de bon cœur, ils ne demandent aucun retour, aucun travail, aucune contrepartie, en un mot, ils font la charité.
S’il est possible d’aborder le sujet de cette mendicité avec ces généreuses personnes, elles répondent qu’elles se refusent à laisser mourir de misère des gens dans le besoin. Et c’est très louable. Mais la plupart du temps, c’est l’effet inverse qui se produit. On se retrouve alors à expliquer que donner de l’argent à son prochain n’est pas toujours une bonne action et c’est difficile à comprendre.
Ce type d’attitude est personnellement gratifiante surtout quand on calque le schéma de sa propre société sur celle du pays visité. Pour un européen, la rue est réservée au passage ou au travail mais ce n’est pas un lieu de résidence. En Asie au contraire, la rue est un espace de vie à part entière. Au Cambodge, les enfants dorment sur des cartons à même le sol alors que leurs mamans vendent leurs produits, ils y prennent leur douche à coup de seau d’eau, tout nus sur le trottoir et cela ne choque personne. En Inde, il est aussi normal de piquer un petit somme sur la voie piétonne en pleine après-midi.

Donner aux mendiants, c’est aussi se donner bonne conscience de se sentir privilégié ?

Parfois, faire un geste rend le spectacle de la misère moins violent, plus supportable.
Donner c’est aussi une façon de se dédouaner d’être du côté des privilégiés. Même si ce n’est pas vrai, nous avons tous quelque part un sentiment de culpabilité incarné dans un riche égoïste qui toise le miséreux. 
En Arménie, un voyageur a acheté des chaussures à une dame qui vivait pieds nus dans la rue. Les commerçants et les passants qui se trouvaient autour ont bruyamment applaudit sa générosité. Ce qui m’interpelle ce n’est pas le geste vraiment louable et utile, c’est qu’aucune personne du quartier, qui voit cette dame tous les jours ne l’ai fait avant lui ! Attention aux idées reçues, la générosité, l’entraide et le partage sont notre devoir à tous, quelque soit notre situation.

Doit-on donner de l’argent pour se faire respecter ?

Cette générosité induit des relations vénales et fausses. Le respect, une attention sincère et désintéressée ne passent pas par l’argent. Attention à ne pas vous faire manipuler.

Alors faut-il donner aux mendiants ou pas ? 

Il n’y a pas de réponse toute faite à cette question, cela dépend beaucoup du contexte. Il est vraiment recommandé de se renseigner auprès des locaux, leur demander ce qu’ils en pensent, si eux aussi donnent aux mendiants par exemple. Personnellement, on ne m’a jamais recommandé de faire l’aumône, au contraire. Il vaudra toujours mieux donner à une organisation qui sera plus en mesure de travailler sur le long terme.

Petite liste des effets pervers de la mendicité

 

Obtenir de l’argent en l’exigeant, est-ce un bon exemple pour les enfants ?

C’est bien dommage, il faudrait inventer ça, mais l’argent se gagne en général en échange d’un travail. Recevoir de l’argent juste en demandant, voilà qui serait fort sympathique mais c’est plutôt rare une fois devenu adulte.
Il m’arrive parfois d’essuyer un jet de cailloux ou des insultes de la part de jeunes enfants lorsque je refuse d’obéir tout net à leurs injonctions « give money !« . Ces enfants ont bien vite appris la phrase magique « donne l’argent ! » dans toutes les langues avant même de savoir compter. Elle est suivie en général de l’autre phrase la plus connue du monde « fuck you ! ». 

Si la mendicité rapporte plus que le travail les enfants n’auront jamais la chance d’aller à l’école

En Inde, en donnant un ou deux euros, on donne parfois l’équivalent d’une journée de travail. Offrir sans contrepartie des sommes qui représentent beaucoup pour leur famille c’est le plus sûr moyen de les maintenir dans la rue et donc de les déscolariser. Sans aucune éducation, ces futurs adultes auront plus de difficultés pour trouver du travail et sortir de la misère. Les garçons auront plus de chances de trouver un emploi d’ouvrier mais les filles atterriront dans des salons « de massage » ou sur le trottoir quand elles ne seront plus assez attendrissantes pour faire la manche.
Dans les orphelinats, les enfants habitués à obtenir de l’argent en mendiant sont les plus difficiles à scolariser. Inutile de les blâmer, pourquoi étudier ou travailler alors que la générosité des touristes donne parfois en une journée de quoi faire vivre leur famille pendant un mois ? 

La mendicité empêche les organisations caritatives de faire leur travail

Si la famille ne subvient pas à leurs besoins, les enfants peuvent être placés dans des institutions comme des orphelinats. Lorsque c’est la haute saison touristique, il est courant que le ou les parents viennent les reprendre pour les envoyer mendier et faire rentrer de l’argent. Le travail des professionnels de l’aide à l’enfance devient très compliqué et ils ne mâchent pas leurs mots : « ne donnez rien aux enfants !« .

Donner aux enfants qui survivent de la mendicité c’est parfois indirectement donner à une organisation criminelle

Le trafic d’êtres humains se cache souvent derrière ces enfants en guenilles. Ceux qui font la manche peuvent faire partie d’une organisation qui les exploite comme des esclaves pour s’enrichir. Tout comme la prostitution, ils doivent ramener le fruit de leurs supplications au patron. Si vous donnez aux enfants, vous enrichissez donc des criminels. Il suffit parfois de regarder aux alentours. Les enfants sont rarement seuls, surveillés par des guetteurs pour les empêcher de dissimuler de l’argent, intervenir en cas de violence ou d’être récupérés par des services sociaux. Si on tente de les emmener quelque part, les enfants se mettent à jeter des coups d’oeil inquiets autour d’eux. Le guetteur intervient généralement rapidement pour vous assurer que cet enfant n’a besoin de rien, d’ailleurs il ne fait pas la manche du tout !

Distribuer ses pièces à la volée c’est généreux mais c’est un mauvais message

En donnant ses pièces comme des confettis de carnaval, vous donnez une fausse image des habitants des pays dits « développés ». Les locaux ont le sentiment que cet argent ne représente aucune valeur pour vous puisque vous le distribuez avec tant de facilité. Ce décalage peut rendre les interactions avec les locaux très tendues voire agressives. Ils ne manifesteront aucun respect pour vous, au contraire. Cet argent vous tombe apparemment tout cuit dans le bec tous les matins.

Les enfants sont souvent utilisés, exploités, pour la mendicité car il est difficile de résister à l’envie de les sauver

Et ça marche ! Il est hallucinant de voir la créativité dont certains font preuve pour obtenir de l’argent. Dans les cas les plus graves, la mendicité est une véritable entreprise qui enlève des enfants, les mutile, les prostitue. Mais il existe bien d’autres entourloupes pour convaincre les étrangers de faire un petit geste. Vieillards, handicapés, mères de famille, la mendicité n’exclut personne mais les meilleurs gagneurs restent les enfants.
 

Une petite fille de 4/5 ans déambule seule dans la rue avec un bébé de quelques semaines dans les bras

Elle réclame du lait pour son petit frère. Elle a l’air épuisée, il fait nuit. Qui peut résister à ce tableau ? Sachez que ce bébé n’est absolument pas son frère. La mère de ce tout-petit le loue pour quelques heures contre une partie des recettes. Si vous achetez ce lait maternisé dont il a tant besoin, sachez qu’il sera aussitôt revendu au marchand qui lui aussi est dans le coup.

Achète-moi un livre, juste un livre pour que je puisse aller à l’école !

Votre raison l’emporte, ce petit veut étudier, vous allez lui en donner les moyens ! Il vous emmène à la librairie et choisi un énorme bouquin qui ne coûte pas moins de 50$. Ce livre n’entrera jamais dans une école mais sera revendu dans l’heure qui suit au vendeur complice.

Tard dans la nuit, des enfants qui font leurs devoir sur le trottoir

Agés d’environ 7 ans, ils remplissent consciencieusement leur cahier de devoirs. Ils ont aussi disposé devant eux des paquets de mouchoirs, des cartes postales, des porte-clés à vendre… On se dit alors que leur acheter quelque-chose c’est leur permettre de continuer à fréquenter l’école. Hélas, couchés tard, épuisés, on retrouve ces mêmes enfants endormis sur des cartons dans la rue, en plein jour le lendemain, le surlendemain et tous les jours qui suivront. Si seulement il allait vraiment à l’école !

Malades ou handicapés qui demandent de quoi acheter des médicaments ou pour aller à l’hôpital

Tous les soirs, un vieil homme fait le tour des tables. Ces mains tremblent, mais tiennent fermement une ordonnance et un sac en plastique contenant une boite de médicaments. Il demande juste assez pour se payer son traitement…tous les jours (dans un quartier différent), toute l’année ?
Pour d’autres, c’est l’exhibition de vilaines plaies ouvertes, de maladie de peau, de membre amputé. Ces plaies sont savamment entretenues et surtout pas soignées pour faire appel à votre pitié, votre compassion. Donner un peu d’argent n’aidera certainement pas à la guérison mais au contraire à l’empêcher.

Enfant au milieu du pont de Skopje, Macédoine du Nord. Il n'est pas seul, une adulte et d'autres enfants, certainement sa famille, sont assis de l'autre côté.

Quelle attitude adopter face à la mendicité ?

  • Donner de l’attention aux enfants plutôt que de l’argent
    Lorsque c’est possible, passez un peu de temps avec les enfants. Connaitre leur nom, leur âge, leur histoire. Invitez-les à s’asseoir avec vous, complimentez-les sur leur maîtrise de l’anglais, leur débrouillardise… Il existe bien des façons de leur donner une bonne image d’eux-mêmes car autour, il y a la misère et parfois de la violence physique et morale. Donnez-lui de l’estime plutôt que de l’argent, il n’en sera que plus riche pour affronter l’avenir.
  • Argumenter face au sempiternel «1 euro, c’est rien pour toi ! »
    Ne permettez à personne de juger ce que représente 1 euro dans votre budget. Personne à part vous-même ne sait combien de temps vous avez travaillé pour les dépenser ici. Vous avez peut-être économisé pendant des années pour arriver dans ce pays ? Cet euro-là on vous l’a donné comme ça, juste en demandant ? Hélas, ce n’est pas parce que vous êtes né dans un pays riche que vous êtes obligatoirement riche.
  • Proposer de rendre service en échange d’une rétribution : ce n’est plus de la mendicité !
    Si vous avez envie d’aider quelqu’un, proposez une contrepartie : aider à trouver un magasin, servir de guide, de traducteur, les charger d’une course. La personne avec qui vous faites cet échange se sentira considérée et respectée pour ce qu’elle est capable de faire. De votre côté : vous ne faites plus l’aumône, vous demandez un service.
  • Donner des choses, pas de l’argent
    Si vous voyez qu’ils ont faim, donnez de la nourriture. Il y a vraiment des gens qui ne mangent pas assez faute de moyens. Si vous souhaitez les aider, déposez discrètement quelques provisions, des sandwichs, une tasse de thé, des conserves.
  • Se renseigner sur leurs besoins réels avant de donner c’est peut-être les aider à sortir de la mendicité
    Demandez-leur de quoi elles ont besoin. Des chaussures, des vêtements, un médecin, un uniforme pour l’école, des frais de scolarité… Peut-être pouvez-vous les aider à passer un cap difficile. Mais avant toute chose soyez sûr que votre action servira vraiment à améliorer leur situation.
  • Soutenir des organisations de bonne réputation
    Donner directement aux associations (si et seulement si, vous êtes convaincu de leur probité). Elles sont alors organisées pour vraiment aider les plus démunis. Elles peuvent leur fournir un toit, des cahiers pour l’école, des soins, des habits, etc.
  • Même si vous faites face à une mendicité agressive, il convient de rester poli et courtois avec tout le monde
    On peut dire non avec le sourire et rester respectueux. Il existe des tas de petits mots comme bonjour qui disent que vous les voyez, les entendez et les respectez. Le pire lorsqu’on est dans la misère c’est bien de ne plus faire partie du monde et de devenir invisible aux yeux des autres humains.

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