Périple mongol, 7ème jour : bonjour Kazakhstan !

Septième jour de Zaisan à Almaty, Kazakhstan

 

Sac sanglé, dents brossées, cheveux peignés et ticket de bus en poche, je tente de sortir de ma chambre dortoir. Hélas, la serrure est bloquée ! Heureusement multi-outils et coup de pied finissent par déclencher l’ouverture. Je remarque au passage que je deviens de moins en moins patiente !
J’ai cru comprendre qu’il nous faut treize heures pour arriver à destination, alors je ne me fais pas trop de soucis, je trouverai un hôtel en arrivant à Almaty.
Par précaution, j’ai pointé sur Mapsme l’adresse d’une auberge qui a une note d’enfer, on ne sait jamais.
Le bus qui nous transporte est plein comme un œuf, c’est un bus allemand qui devrait être à la casse depuis dix ans. La climatisation ne marche pas, les sièges sont aussi avachis que nous après trois heures de route, il fait une chaleur de dingue.

1200 km à faire dans un bus aussi pourri que plein, c’est le programme idéal des grands voyageurs

 
Le paysage défile, désert, désert et désert, puis les couleurs changent, des arbres et des prairies apparaissent.

Dans le bus il y a plein de bébés magnifiques qui nous sourient comme seuls savent le faire les tout-petits. Le chauffeur est sympa, les voyageurs et mon voisin aussi. Le bus s’arrête dans des relais routiers où je découvre les première spécialités locales, le soudjouk, des saucisses de viande chevaline et de gros raviolis chinois que l’on appelle ici manti. Les kilomètres nous engourdissent, nous sommes serrés, ballottés, tout le monde sommeille.

Il ne me faut pas, hélas, 13 heures pour rejoindre Almaty mais 20 !

 

Lorsque le bus s’arrête, il est trois heures trente du matin. Mon voisin me secoue, je suis dans le coma et une fois n’est pas coutume, je suis tellement schlass que j’arrive à peine à soulever mon sac.
Je rigole en regardant ma montre et prie le chauffeur de rouler encore deux heures de plus, ha ha.
« Taxi, Taxi ! »
Des hommes se pressent autour de moi. Il est bien trop tôt pour partir en quête d’un endroit où dormir, je me souviens alors du nom de l’auberge que j’ai enregistrée sur le téléphone.
« Oui, oui, Taxi… »
Ma capacité à la négociation est proche de zéro.

Je montre l’adresse de l’hostel au chauffeur, ma batterie est à sept pour cent. C’est juste assez de temps pour réaliser que nous nous trouvons à dix kilomètres du centre-ville et j’éteins vite le portable, un problème à la fois

 

Le taxi n’a rien d’un professionnel, j’enfreins la règle numéro un : ne jamais monter dans un taxi non officiel. Je fais de même avec la règle numéro deux car j’accepte sans broncher le prix annoncé : deux mille tenges, six euros.
Soyons fous, idem avec la règle numéro trois lorsqu’un autre homme monte à son tour dans le taxi, non comme client mais comme ami du chauffeur.
Nous voilà partis. Cinq minutes plus tard le chauffeur m’arrête devant le Hilton du coin, quarante-cinq euros la nuit. J’éclate de rire, non ce n’est pas là que je vais. Il insiste et m’explique que c’est le nom que je lui ai donné. Ha ha.

Жоқ, жоқ, жоқ, мен жатақханаға барғым келеді! (Non, non, non, je veux aller à mon auberge !)
 

le chauffeur ronchonne. Je rallume le téléphone portable pour le guider, je compte jusqu’à dix et il s’éteint définitivement.
Pas de panique, j’ouvre mon ordinateur portable et branche le téléphone dessus pour le mettre en charge. Une chose après l’autre.
Pendant ce temps-là, le chauffeur qui ne parle pas un mot d’anglais va chercher le veilleur de nuit qui en connait cinq pour démêler la situation.
Je suis dehors, dans cette ville endormie, entourée de trois kazakhstanais, mes portables à la main, espérant un miracle pour enfin aller me coucher, priant pour que ce foutu téléphone se réveille et me montre le chemin.
Le veilleur de nuit est très serviable mais il n’en sait pas plus que le chauffeur de taxi. Rien de grave, tout va s’arranger. D’ailleurs, tout finit toujours par s’arranger.
Au bout de quelques minutes qui paraissent interminables, la petite pomme apparaît sur l’écran et le téléphone démarre.
L’auberge est quelque part dans un quartier résidentiel et le taxi, s’il trouve la rue et le numéro, il ne trouve pas l’hostel.
Je lui demande de me laisser là, le GPS se recharge, je vais marcher et trouver toute seule ce coin de paradis terrestre où se trouve un lit qui n’attend que moi.
Au revoir Monsieur, bonne nuit.

Dans cette rue, contrairement à ce que dit Monsieur GPS, il n’y a pas d’hôtel

 
La rue est faiblement éclairée, pas un chat à l’horizon. Le GPS m’indique deux positions distantes de trois cent mètres portant le même nom.

Pas de soucis, je suis maintenant bien réveillée, je monte et descends la rue plusieurs fois. Aucune enseigne, rien.
Je vérifie le numéro de la rue sur la carte : cinquante-neuf.
C’est une maison de particulier à l’évidence, aucune plaque ne signale un hôtel à ce numéro. Que faire ?
Je sonne une fois : Pas de réponse.
Je sonne deux fois : idem.
Si je sonne une troisième fois, je prends le risque de voir apparaître un homme armé d’une Kalashnikov ce qui fait beaucoup pour une seule journée.
Je repars et erre comme une âme en peine en quête de plan B. C’est alors qu’une voiture s’arrête non loin de moi. Un jeune homme en sort, c’est à l’évidence un retour de boite de nuit.
Je m’avance tout sourire, portable à la main et m’enquiers de la présence d’un hôtel dans les parages. Ce jeune homme parle parfaitement anglais, c’est mon jour de chance ! Hélas, il ne connait aucun hôtel dans cette rue bien qu’il habite ici depuis des lustres.

Attention à la suite, j’ai des témoins, c’est la pure vérité !

 
Il regarde le GPS de plus près, nous errons maintenant à deux dans cette rue obscure.

Non, il est formel, pas d’hôtel.
« Je suis désolé, me dit-il, je ne sais pas où se trouve cet hôtel, je vais les appeler ».
Mais en fait, non, il ne peut pas, son portable aussi est à plat. 
Je remercie et prends congé mais le jeune homme me retient :
« Ne partez pas, vous êtes mon hôte, dans mon pays ! Ma maison est tout près, je vous offre un thé, recharge mon portable et appelle l’établissement. Si jamais je ne le trouve pas, je vous paierai un taxi qui vous emmènera dans un établissement que je connais et qui vous conviendra, j’en suis sûr. N’ayez pas peur, je veux juste vous aider ».
Je ne suis pas inquiète pour un sou, ce jeune garçon est vraiment charmant.
Nombre d’entre ceux qui lisent ces lignes à cet instant auraient pris leurs jambes à leur cou mais j’ai une certaine confiance en l’espèce humaine et pour tout dire, j’ai souvent raison.
Tout cela m’a l’air très bien. Je le suis dans sa maison qui est pimpante, moderne, tapissée de papier-peint Elytis (très cher) et équipée d’un tas d’appareils ménagers high-tech. Ce sont des détails qui ont leur importance, je viens de passer un mois en Mongolie, cet intérieur soigné me souhaite un bon retour à la civilisation.

Mon nouvel ami se nomme Baïral, il a vingt-six ans et se lance dans les affaires. Il a monté une société de livraison de repas à domicile, nous devisons quiche lorraine et mise en bouche en attendant que la batterie se charge

 

Baïral arrive finalement à joindre le propriétaire de l’hôtel que nous tirons du sommeil du juste. Oui, c’est bien le cinquante-neuf, il n’a pas entendu la sonnerie, mais tous les autres clients oui. Il est un tantinet de mauvais poil que je me pointe là, sans réservation, au petit matin.
Bairal insiste pour m’accompagner, cent mètres à peine mais il y tient : les rues ne sont pas sures ! (ah oui, vraiment ?).
Devant la porte de l’hôtel qui s’ouvre enfin, Bairal m’invite à un brunch pour le lendemain (j’aime vraiment le Kazakhstan) et Elman, propriétaire des lieux, s’empresse de porter mon sac (même s’il est vraiment de mauvaise humeur).
Je dis pardon trois fois, je m’excuse dix fois.
« Nous verrons ca demain, pour le moment je veux dormir et vous aussi… »
Tels des iroquois à la chasse au bison, nous montons l’escalier et arrivons dans un grand dortoir ou quatre lits superposés m’attendent.
Je ferme la porte un peu trop prestement derrière moi et celle-ci me répond avec une détonation digne de la naissance d’un roi. Elman me jette un regard, comment dire, exterminateur de touriste abruti.

Je tâte le lit, la couette : ça sent bon, c’est moelleux… je me sens disposée à faire Compostelle et tout autre pèlerinage lent et douloureux tellement je déborde de joie

 

Elman, avant de s’éclipser, ouvre la porte de la salle de bains.
Bernadette apercevant la Vierge n’aurait pas été aussi béate que moi devant ces toilettes céramique blanches et pures, oui, ce bas monde recèle de paradis insoupçonnés qui prennent parfois la forme d’une cuvette propre où soulager une vessie paniquée.
Je m’enroule dans la couette et plonge dans des rêves incohérents peuplés de portillons détecteurs de baleines de soutien-gorge, de scanners à passeport récalcitrants, de photos du Dalaï lama surgissant sur l’écran de mon ordinateur. Je vois aussi des saunas en forme d’autobus, des chameaux élégants me demandant en mariage, des téléphones déchargés, des passeports tamponnés, des sac à dos obèses et des toilettes débordantes dans lesquelles des douaniers contrôlent le rouleau de papier hygiénique en hurlant Papier ! Tampon !

Il faut vraiment que je me repose.

Passer de la Mongolie au Kazakhstan en passant par la chine, c'est une grande aventure !

Arrêtez d'avoir peur ! Jetez-vous dans l'aventure !

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