Se perdre et se trouver dans l’Himalaya

Oublie ce que tu croyais important pour être heureux. La montagne te dépouille de tout et te rend à toi-même

 

Enfile bien ta polaire, ton futal à la Charles Ingalls et tes chaussettes avant de te glisser dans ton super duvet spécial montagne, garanti moins quinze degrés. Parce que ça gèle dur à cinq mille.
Couvres-toi la tête, n’oublie pas ta cagoule, n’oublie pas ta capuche, ton bonnet, ta casquette.

La montagne ça vous gagne, c’est sûr mais il faut aussi l’affronter au risque de se perdre

 

Regarde où tu mets les pieds à chaque pas, passe entre les cailloux et surtout, surtout va doucement.
Moi, j’ai trois vitesses intégrées à mes chaussures de trek : pas de deux centimètres, pas de cinq centimètres et en mode turbo, pas de cinquante centimètres. Après c’est la valse.
Respire autant que tu peux, tire la langue comme les yaks dans la montée.
Respire doucement, bruyamment, profondément, mais respire.
Balance les hanches, à droite, à gauche pour créer un peu d’inertie, ne te prends pas les pieds dans les bâtons car le ravin te tend les bras.

Les montagnes du Népal sont à la hauteur de leur réputation : mythiques, divines et inspirantes

 

Pour faire de cette aventure une leçon de vie, elles n’ont pas leur pareil. C’est froid, c’est chaud, c’est long, c’est immense. C’est pur et c’est dur mais c’est surtout fort en émotions.
Saches qu’une fois ce périple accompli, plus aucune montagne ne vaudra la peine. Ici, le marcheur est au Hilton des sommets. 
Il ne s’agit pas que de roches, de caillasses, de falaises ou de pics. Tu verras le ciel comme nulle part ailleurs, les hommes et les femmes de ce pays aussi.
Tout t’aspire, t’enivre et t’éblouit. La culture, les cairns sur le chemin, les drapeaux de prières qui claquent comme tes dents, au sommet du col.
L’air pur sur les joues, la lumière céleste dans les yeux.

Le muscle, le souffle, le mental et l’humilité

 
Freine avec les fesses, pousse sur tes bras, tire sur les jambes.

Quand ça monte et que ça fait cinq heures que ça monte, ne regarde pas le sommet, baisse la tête et fixe le bout de tes chaussures. Tourne la tête, regarde le paysage, regarde la vallée derrière toi, les montagnes glacées que tu n’escaladeras pas. Regarde les porteurs en short, en tongs, les jambes tordues par l’effort, la tête déformée par le bandeau, tout petits, tout maigres monter bravement la côte dans laquelle toi tu peines dans ton équipement de pro de la montagne.
Ils ont quatre-vingt kilos sur le dos, tout à coup tu n’as plus envie de te plaindre.

Ca te donne du courage, un peu honte et une bonne leçon d’humilité toi qui gémis, toi qui es là en vacances…

 

Souris à chacun sur ta route, même aux connards, tu vas sûrement les retrouver dans le même lodge que toi ce soir.
Admire les yaks magnifiques, puissants, couverts de fourrure mais tire-toi vite du chemin car leurs cornes affûtées sont plus larges que leur ventre. Et puis ils ne connaissent pas la priorité à droite, ils te poussent un point c’est tout, tant pis pour toi si tu tombes.

La haute montagne ce n’est pas le grand luxe, mais ce qu’elle donne est impossible à acheter

 
Ne crois pas au ciel bleu, au soleil sur ton visage, les nuages glacés, fins comme de la barbapapa arrivent sur toi comme un troupeau de yaks au grand galop, bouchent l’horizon, envahissent l’espace de fantômes.

Fais attention à ne pas prendre de chambre près des toilettes, car ici il n’y a pas de tout-à-l’égout. 
Fais ton pipi avant d’aller au lit, sinon tu devras t’y rendre au milieu de la nuit, avec ta lampe torche, tes chaussures et ta doudoune.
N’oublie jamais au grand jamais de garder ton rouleau de papier toilette avec toi, une paire de tongs pour aller prendre une douche tiède avec un arrosoir au dessus de la tête, debout… dans les WC turcs qui se trouvent dans la cabane au fond du jardiiiinnnn.
Garde ta doudoune pour prendre ton repas au restaurant du lodge, ils chauffent toute la salle avec un seul poêle qui turbine à la crotte de yak séchée.
Plonge dans ce manque de confort avec délice, c’est l’aventure de ta vie. 

Apprendre le chemin, pas la destination

 
Et là, fatiguée de t’être levé à l’aube, d’avoir avalé tes 1000 mètres de dénivelé, tu boiras un milk tea, tu partageras avec les autres, qui ne sont pas toujours comme toi, les pas de ta journée. Ceux qui déplient les cartes sur la table et font le compte de leur moyenne, leur performance du jour. 

Il y aura aussi ceux qui sont comme toi : des escargots de l’Everest, des tortues asthmatiques, des chenilles poussives. Des gens simples, humbles qui s’enrichissent du moment et pas de l’exploit.

Regarde autour, regarde en haut, regarde en toi

 

Regarde le soir tomber, la nuit toute veloutée s’installer dans le paysage et le grand, le très grand spectacle des étoiles dans le ciel d’encre.
Regarde, regarde et regarde encore.
Et parfois, la lune aussi est là, alors dis merci, merci, merci et reste debout dans le noir, éteins ta lampe de poche, gèle-toi les pieds, les mains et installe-toi pour le grand show céleste.
Regarde le ciel, regarde le sol et regarde en toi.
En vérité, c’est facile, il suffit de marcher. Juste un pas devant l’autre.
Et découvre alors que c’est bien, vraiment d’avoir des pensées qui tiennent chaud, des souvenirs et des idées à ruminer gentiment tout au long du chemin.
Pas de doute, à la fin, c’est la montagne qui gagne toujours, mais elle fait tellement de bien. On comprend que le bonheur ne dépend de rien d’autre que de soi-même, que le bonheur est en nous.

Quelle sera la prochaine aventure ?

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