Dans un bus cambodgien (pendant 7 heures)

Le moyen de locomotion le plus usité au Cambodge pour les longues distances, c’est le bus : que d’aventures vous y attendent !

 

Pendant de longues heures, dans ce bus spartiate on peut admirer le paysage, observer les gens, faire des rencontres. C’est le meilleur transport qui soit ,même si c’est inconfortable car le temps passé dans ces bus n’est jamais perdu, c’est toujours une belle aventure.

Des bus d’un autre âge, poussifs, rouillés, tordus et bruyants attendent un peu partout leurs voyageurs, et au Cambodge, ils n’en manquent pas !

 

Si les bus semblent être prêts pour la retraite, il y a quand même la télé qui diffuse des films chinois, des séries, genre série Z (si ça existe) et l’air conditionné.
Le son et la température à fond, c’est le minimum.
Quelque soit la destination, ils sont toujours pleins comme un œuf.
Vraiment pleins.
Les parents voyagent avec les enfants sur les genoux, on pose une petite planche de bois dans l’allée centrale pour que les invités surprise puissent s’y asseoir ou alors carrément une chaise, un tabouret en plastique.
Ici, les conducteurs de bus ne font jamais grève. Ce serait la révolution et pour les cambodgiens, la révolution…

Pour un trajet de cent trente six kilomètres, il faut compter quatre à cinq heures. En période sèche

 

Le bus est plein. Des jeunes en jean, des anciens en sarong, des moines en Kasaya orange, des femmes apprêtées, des enfants, des familles entières, des sacs de riz, des troncs d’arbres…
Les femmes très âgées affichent leur veuvage en se rasant le crâne.
Elles sont tordues comme des ceps de vignes et me tendent un sourire de bébé édenté. Elles sont souvent très chaleureuses à mon égard. Elles le manifestent de curieuse façon en me frappant le bras, le dos ou en me tenant la main avec insistance. C’est une manifestation de sympathie vers les inconnus et de tendresse en général.
Les seuls qu’il ne faut surtout pas toucher, pour une femme, se sont les moines, on leur ferait perdre la sainteté qu’ils ont accumulée depuis si longtemps.
Les enfants se tiennent tranquilles, attendant patiemment la fin du voyage.
Pendant sept heures, secoués comme des pruniers, sur les genoux de Papa ou de la voisine.
Ils mangent une mangue, un œuf dur, regardent les films, le paysage. Les nourrissons se promènent parfois à quatre pattes dans l’allée, d’illustres inconnus les prennent dans leurs bras et se les passent d’une rangée à l’autre.
Si c’est un film comique, le bus se tord de rire à chaque gag.

Le bus s’arrête fréquemment pour déposer une ou deux personnes là où justement il n’y a pas d’arrêt. Il suffit de demander au chauffeur

 

Montent et descendent des petites vendeuses de mangues épluchées, d’ananas artistiquement sculptés. Elles se font déposer quelques kilomètres plus loin, en pleine campagne. Sait-on où elles vont, chargées de leurs victuailles joliment découpées, prêtes à consommer dans un sac plastique.
Peut-être prendront-elles un autre bus.
Au Cambodge, le bus fait aussi office de facteur. Il s’arrête un peu partout déposer des cartons, des sacs plastiques remplis de linge, de matériel, de paquets enrubannés.
Tout le monde reconnaît le bus, sur le bord de la route les enfants saluent les passagers inconnus de la main.
Et le bus klaxonne à tout bout de champ. Le klaxon ici fait office de clignotant. Dès qu’il double, un vélo, un scooter, un tuk-tuk il avertit cinq ou six fois. Les gens ne sont pas du tout choqués ni même furieux, ils se poussent jusque dans le fossé sans pester le moins du monde.

Pas de priorité ni à droite, ni nulle part, il faut se faufiler, klaxonner et regarder autour de soi. Les cambodgiens ne roulent pas très vite et l’absence de respect du code de la route n’a pas l’air de faire plus de morts qu’ailleurs. Les conducteurs sont très attentifs, voilà tout

 

Le bus est surchargé, fatigué, sur cette route défoncée.
Les vaches sont squelettiques, les champs sont secs en cette saison.
Quarante degrés à l’ombre.
Dans les bus cambodgiens il y a toujours de la place même quand il n’y a plus de place.
Les gens ne se parlent pas toujours mais ils sont ensemble.
Ils sont toujours souriants. Il suffit de croiser leur regard, ils vous sourient en retour.
Juste à côté de moi, un jeune couple avec un tout petit bébé.
Une petite fille.
La maman porte un chemisier vert lumineux, des bracelets d’argent et un bracelet de fil rouge aux poignets.
Sa peau brune, couleur de pain brûlé, ses longs cheveux noirs noués d’un ruban vert, son visage silencieux, tout est harmonieux.
Ses longues mains gracieuses tiennent délicatement la petite, joliment habillée de vert anis, enroulée dans une serviette rouge. Elle porte elle aussi des bracelets aux chevilles et aux poignets ainsi qu’un lien de tissu rouge auquel sont attachées des pièces d’argent.
Quand la petite s’agite, Maman lui donne le sein.
Quelle douceur, quel amour.
Il y a dans les bras menus et fragiles de cette jeune femme toute la force du monde.
Et tout va bien en cet instant. A travers le rideau soigneusement tiré, le soleil éclaire les petites mains, tendres et graciles qui s’ouvrent et se ferment comme des anémones de mer.
Un bout de pied minuscule dépasse de la serviette d’un rouge éclatant.
Le front perlé de sueur, sur le sein maternel, sous le chemisier vert, la peau hâlée, les bracelets étincelants…

Maman jette parfois un regard à la fois interrogateur et inquiet vers ses voisins, ces étrangers blancs, ces fangs, surtout quand Papa, tout fier me tend le bébé pour que je le prenne dans mes bras

 

C’est un bus cambodgien dans lequel il y a toujours de la place même quand il n’y a plus de place.
Dans ce bus plein d’hommes, de femmes, d’enfants, plein de bruit de moteur, de klaxon, de voix.
Pas de menace, pas de peur, pas de danger dans le chaos.
Une toute petite fille dort, bien à l’abri dans les bras de sa mère.

Découvrez votre prochaine aventure de voyage !

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