Les temples jains de Khajuraho, Inde

L’inde est pleine de merveilles et de contradictions : entre sexe débridé et puritanisme, les Temples de Khajurâho nous invitent à la sexualité heureuse et décomplexée

 

Khajurâho ? Moins connu que le Taj Mahal, ce village pourrait ne revêtir aucun intérêt pour les curieux voyageurs s’il ne renfermait une merveille d’architecture et d’histoire : 25 temples jaïns et hindouistes.

Et pourquoi les temples de Khajuraho sont-ils plus intéressants que n’importe quels autres temples dont l’Inde regorge ?

 

Ils nous parlent de sexe ! Du sexe pur et dur où s’exprime homosexualité, la zoophilie, les rapports sexuels à deux, à 3, à cinq et tout cela dans la joie et la bonne humeur.
Et comment nous en parlent-t’ils ? Ces temples majestueux aux allures de vaisseau spatial sont littéralement recouverts de statues illustrant l’orgie élégante, des priapées silencieuses sculptées dans la pierre dorée.
Oui, et ils sont même classés au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, un peu d’histoire-géo

 

Nous sommes dans le district de Chhatarpur, dans le Madhya Pradesh.
Khajurâho est une petite ville de 25 000 habitants. Les temples jaïns et hindouistes datent de 950 à 1050 après JC. Ils sont l’oeuvre de la dynastie Chandela. L’ensemble des temples de Khajurâho serait dédié au fils du dieu de la lune tombé en amour à la vue d’une vierge se baignant dans une rivière. Cette histoire est relayée massivement sur le web car c’est ce que racontent les guides touristiques et les guides indiens aux visiteurs. Vrai ou pas, mystère.
Il y a fort fort longtemps, le village comptait 85 temples, il en subsiste aujourd’hui 25.
Il faut savoir que si les représentations érotiques des temples de Khajurâho sont célèbres, elles ne représentent qu’une infime partie des sculptures des temples. Si vous comptez dans vos compagnons de voyage quelques prudes et bégueules, ils auront de quoi s’extasier sans être choqués. Les temples sont répartis par groupes : ouest, est et sud qui offrent aux voyageurs en quête de culture les plus belles oeuvres en la matière. Les statues de Khajurâho sont inégalées, l’esthétique y est extraordinaire.

Mais pourquoi diantre une telle profusion de sexe à la vue de tous dans un site religieux ?

 

Il existe bien des théories. Commençons par le côté spirituel

 

Spirituellement, Bouddah enseigne que l’homme doit apprendre à se libérer des choses matérielles qui le mènent au chaos. Rester centré sur son univers intérieur est la clé de la paix et de l’harmonie. Pour cela, l’humain doit lutter contre ces sens primitifs, plus particulièrement le désir dont bien évidemment, le désir sexuel. Ce fameux appétit sexuel doit être transcendé pour atteindre un seuil d’éveil spirituel : de la chair à l’esprit en quelque sorte.
C’est peut-être (tout le monde n’est pas d’accord) ce qu’enseignent les bas-relief de Khajurâho : voir, comprendre, représenter le sexe pour mieux le dominer.

La question du tantrisme

 

Historiquement, le tantrisme serait né entre le 3ᵉ siècle et le 6ᵉ siècle. Il existe deux courants majeurs : le tantrisme bouddhiste et le tantrisme hindouiste. C’est un système, une philosophie qui place l’homme et la femme, le noyau masculin-féminin à la base de l’univers. Le tantrisme est le chemin de la transformation intégrale de l’humain et celle-ci passe par le corps, la chair et ses cinq sens.
Dans ce système on considère comme base de l’univers deux principes symbolisés par le couple masculin et féminin. Le tantra traditionnel est une «voie de transformation intégrale de l’être humain», qui passe par le corps et les cinq sens.
Il s’agit d’harmoniser le corps et l’esprit sans passer par la bestialité. En pratiquant le tantrisme, l’humain utilise le désir, l’énergie de l’univers pour en faire partie, se libérer des désirs matériels sans renoncer à cette chose merveilleuse qu’est la sexualité pour en faire un acte divin.
Au passage, un détail intéressant : cette divinité contient deux parties distinctes. Le masculin, conscient mais passif et le féminin, actif et créatif.
Le tantrisme est une partie très sérieuse de ce mix étrange entre religion et philosophie bouddhiste et hindouiste. Lui dédier un temple ou même mille paraît tout à fait logique.

Et l’éducation sexuelle alors ?

 

Hé bien oui, pourquoi ces temples n’auraient pas été utilisés à des fins éducatives ? Ce ne serait pas une première dans l’histoire humaine !

Les temples de Khajurâho parlent de sexe, certes, mais ils sont avant tout une merveille architecturale et esthétique sans pareille

 

Ce qui me semble dominer dans ces chefs-d’oeuvre de sensualité et d’érotisme c’est la douceur, la volupté. Bien sûr on y voit fellations et sodomies et même ce qui ressemble à un viol sur un bas-relief mais sur les presque 900 statues que regroupent les temples, quasiment aucune violence ne transparaît.
Les femmes sont d’une envoûtante beauté et explosent littéralement de féminité : visages souriants, parfois lascifs, seins énormes, hanches fines, gestes délicats…
Le travail de sculpture est si parfait que l’on peut y voir la légèreté d’un sari laissant deviner les formes du pubis.
Le corps est libre, heureux, en pleine lumière.
Les rapports entre hommes et femmes ne sont pas que sexuels. On y voit un amour, une complicité et une complémentarité infinis. 

Mais alors, compte tenu de l’énorme tabou sexuel qui pèse sur l’Inde, comment se fait-il que ces temples aient survécus jusqu’à aujourd’hui ?

 

Après avoir construit tous ces temples merveilleux, le pouvoir en place, les Chandela donc, va décider de déplacer la capitale. Khajuarâho, même si elle reste un lieu de culte fréquenté jusqu’au 14e siècle, va perdre de sa superbe et tomber en désuétude. 
Par la suite, la ville sera abandonnée, victime de nouveaux courants religieux et pour notre plus grand bonheur, la jungle va reprendre ses droits. Comme Angkor au Cambodge, les temples seront préservés en partie par l’épaisse couche de végétation qui les recouvre. On ne trouvera plus aucune trace écrite parlant de Kajurâho après 1500. Il faudra attendre la redécouverte de cette merveille architecturale et historique en 1840. Depuis 1986, ils sont protégés et nous espérons qu’ils le resteront encore longtemps.

Les temples de Khajurâho abritent depuis plus de mille ans des centaines de statues d’hommes et de femmes amoureux

 
 

Chaque femme sculptée est une reine de séduction, la fesse ronde, la hanche démesurément cambrée, les lèvres tendues vers un baiser, l’œil mi clos, la poitrine gonflée, portant des seins énormes pressés par la main d’un homme. Une main légère, délicate, sans vice. Les couples se perdent dans une sarabande de corps nus, délirant de sensualité.
Nos yeux d’occidentaux ne voient que le sexe débridé sur les murs d’un ancien édifice religieux. Et pourtant je trouve qu’ils parlent d’amour. Ils parlent de ces hommes et femmes réunis, côte à côte, enlacés, à la même hauteur, ils parlent d’égalité, de tendresse et d’attention mutuelle. Il me semble qu’ils se regardent vraiment, que leurs yeux de pierre se disent bien des choses sur le désir d’être ensemble. Mains graciles, amicales, aucune brutalité ne transparaît dans les gestes ou dans l’acte sexuel. Le sculpteur à bien pris soin de dessiner le sourire sur les visages pétrifiés.

Je les imagine sortant de la pierre froide dans la nuit noire, dans le silence des parcs endormis, rendus aux dieux à tête de vache et d’éléphant

 
 

Les bijoux scintillants sous la lune, les bracelets de grelots que les femmes mettent si délicatement à leurs chevilles, tintinnabulant au rythme des pas de danse rythmés. Des tambours, des cymbales, des chants aigus et graves, des chuchotements et des cris.
Qu’avons-nous perdu, qu’avons-nous gagné aujourd’hui ?
Le sexe tabou, le corps caché, le corps dévoilé sur les panneaux publicitaires, marketé, menteur.
Les hommes et les femmes séparés, lutte de pouvoir, solitude affirmée.
A Khajurâho, les hommes et les femmes se regardent, se reconnaissent et s’aiment pour des millénaires.

Partez donc à la découverte de ce trésor que sont les temples jaïns et hindouistes de Khajurâho, ils fourmillent d’anecdotes, de détails, d’histoire et de beauté. Inutile voire impossible de faire la liste des incontournables, il suffira de vous y perdre en prenant le temps de la visite : 4 jours suffiront, mais pas moins !

Voyager, c'est prendre le temps de connaitre et comprendre les cultures du monde

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