Des hommes et des vaches

S’il est une chose qui peut surprendre au pays de Gandhi, c’est bien les vaches

 
 

Nous avons tous vu des reportages, des cartes postales et des photos de vaches couchées au milieu de la route, sur les trottoirs, se promenant nonchalantes en pleine ville.
Oui, les vaches sont partout.
Il y a aussi des buffles noirs, des bœufs, des veaux, des centaines de chèvres, des milliers de chiens et des millions de rats. Tout ce petit monde se promène en ville, mastique, bêle, aboie ou meugle à l’envi.
Dans les ruelles si étroites que les voitures ne peuvent y circuler, dans les rues sur les routes, au milieu des camions et des bus.
Elles sont partout. Couchées, debout, seules ou à plusieurs.

Elles sont tout à fait paisibles, pas du tout agressives et ne font aucun cas des humains qui passent et repassent, des mobylettes pétaradantes, des rickshaws, des voitures

 

A Varanasi, ce sont les vaches qui ont le pouvoir. Elles sont sacrées. Donc pas touche.
Il faut attendre qu’elles veuillent bien pesamment se lever pour laisser passer les véhicules et décoincer l’embouteillage.
J’en ai vu traîner un vélo sur plusieurs mètres pour boulotter les feuilles des branches bien vertes attachées sur le porte-bagage.
Les indiens leur donnent à manger, des biscuits rassis, des feuilles, des restes…

Quand vient la nuit, elles se couchent dans les rues, les décharges, sur les quais, dans les temples, sur les trottoirs.
Elles n’ont pas peur, elles avancent quoi qu’il arrive, en face.
Elles respirent les gaz d’échappement tout le jour, subissent le bruit infernal, la poussière. Elles soufrent aussi.

Elles font aussi pipi partout et posent des bouses magistrales tous les trois mètres. Mais si elles ont l’assurance de ne pas finir en steak haché elles ne sont pas si bien nanties que ça

 

Si la ville est aussi envahie par les chiens, ici, les vaches font aussi les poubelles. C’est leur plus grande occupation de la journée. Elles fouillent les sacs plastiques, les décharges, les amas de détritus qui jonchent les rues. Et ruminent.
Elles mastiquent indéfiniment du plastique, les fils de nylon des innombrables cerfs-volants, les fils de fer, les capsules de bouteilles et les restes moisis laissés par les rats.
Parfois, c’est pire.
Titubantes sur des sabots blessés, tuméfiés, couverts de mouches sur l’infection, les vaches remontent la rue principale entre les bus et les camions tonitruants. Un veau soufrant d’un abcès intestinal de la taille d’un ballon de foot sortant de l’abdomen, tenant à peine debout, sec, maigre, condamné.

Personne ne les soigne, si la vie est dure ici, la mort l’est plus encore

 

L’eau du Gange est pure, sacrée mais il y flotte les corps en décomposition des hommes saints, toutes les poubelles possibles, les déjections de toute une ville.
Quand on sait ce que boit une vache, je me demande comment il est possible qu’elles soient encore si nombreuses.
C’est un mystère.

Ces vaches-là sont les reines de la misère, de la crasse, de la foi, de la folie humaine. Elles sont à l’image de la société des hommes dans laquelle elles vivent

 

Ces vaches là sont divines à plus d’un titre, elles résistent à tout ça. Car il faut être protégé par Krishna en personne pour ne pas crever les pattes en l’air, le ventre en montgolfière dans les trois jours.
Pourtant, elles n’ont pas l’air malheureux.
Le sont-elles plus ou moins que nos charolaises rentrant à l’abattoir ?
Parquées dans les box des élevages intensifs, nourries de farines douteuses, transportées en camion dans des conditions de stress et de souffrances terribles ?
Leur unique destin est alimentaire, elles ne représentent rien à nos yeux, ni sacrées ni maudites, absentes vivantes, présentes mortes.
Que choisiraient-elles si elles le pouvaient ?
La vie avec ou sans les hommes ?

Je pense aux élevages traditionnels, où nos jolies vaches s’ébattent tout l’été dans les alpages, dorment dans des étables paillées, le museau dans le foin odorant, propres et soignées

 

Elles ne représentent pas plus pour nous au final qu’une entrecôte maître-d’hôtel.
Il n’y a pas de vaches heureuses, il n’y a pas de vaches malheureuses, elles sont bien loin de toute philosophie.
Sacrées ou sacrifiées, rien ne change dans leur regard paisible.
Faut-il choisir entre la foi ou le foin, la rue ou le rôti, le chapelet ou le cheptel ?
Je propose un référendum mondial bovin pour débattre de la question.
J’attends le résultat avec impatience.

En voyage, restez nature !

Elles sont parfois très controversées (à raison) mais il existe des fermes d’éléphants dans lesquelles les pachydermes se reposent et se font dorloter par les voyageurs. Une expérience wahoooo 

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