Les Galapágos, sont le monde tel qu’on ne l’attend pas, tel qu’on l’espère et tel qu’il doit rester
Il est des endroits inattendus sur cette planète où nous attendent des choses belles et surprenantes. Quelque part, la nature a pris des liberté avec les diktats de la beauté, du style et de la façon d’être heureux. Quelque part, les êtres vivants ont bousculé les codes et nous font la leçon sur l’être et le voir. A l’est de l’océan Pacifique, qui porte bien mal son nom tant il semble toujours en colère, se trouve un archipel à 1000 km à l’ouest de l’Equateur : les îles Galápagos.
Ici, les arbres les plus beaux ne sont pas des arbres
Aux Galápagos, les cactus ont la forme d’un arbre et pourtant ce sont des cactus, plus exactement des figuiers de barbarie. Ils s’élèvent avec la majesté appuyée et maladroite d’une petite fille qui chausse les élégants souliers de sa maman. C’est comme si ces cactées avaient rêvé toute leur vie de sortir de leur condition et de s’élever plus haut. Dendrophiles obstinés, elles ont réussi leur pari : devenir autre que ce à quoi elles étaient destinées par des lois incassables.
Sur leur tronc puissant et compact d’un brun rouge huilé, ils portent leurs lourdes feuilles en forme de raquettes garnies de fruits épineux. Ils n’ont pas la finesse d’un tilleul ni la légèreté d’un bouleau. Ils sont épais et velus, d’un vert un peu éteint, la silhouette lourde. Et pourtant, ils sont d’une majesté touchante. Sans eux, les iguanes terrestres mourraient de faim, sans eux ces îles ressembleraient à toutes les autres.
Ici, le parfum est sauvage et ne s’achète pas
Ici, les badauds curieux ont des ailes et s’invitent dans l’intimité des invités
Aux Galápagos comme nulle part ailleurs, les oiseaux sont curieux des humains, ils n’ont pas peur. Ils nous suivent, d’arbre en arbre, hochent la tête, sifflent, ne nous perdent pas de vue. Ils se parlent entre eux, se concertent, se côtoient comme le feraient des humains. Sur la plage qui borde la forêt, de minuscules oiseaux noirs, de la taille d’un moineau me tournent autour, s’installent sur ma serviette en sautillant légèrement, inspectent mon sac à dos, mon appareil photo. Une fois, deux fois, dix fois, ils regardent mon livre avec curiosité. A quelques centimètres de mes mains, de mes pieds poudrés de sable blanc. J’ai vraiment l’impression de m’être impoliment invitée dans leur maison.
Les Galápagos renouvellent les décors en permanence : dur et doux, sec ou tendre, incandescent ou glacé
Le paradis des Galápagos est né des feux de l’enfer et de la colère de l’océan
Toujours aussi dures et hérissées après mille ans. Tellement noires, qu’elles en sont bleues.
Le chemin se transforme à chaque pas, le sol n’est jamais le même
Aux Galapagos,
les lions sont de mer,
les pingouins manchots,
les crabes violonistes,
les fous ailés,
les raies aigles et
les requins marteaux
Les canons de beauté des Galápagos défient tous les standards
Les reines de beauté des îles Galápagos sont grosses et ridées
Elles nous regardent avec le dédain des monstres du cinéma, fixant l’intrus de leur petite pupille de reptile et passent leur chemin, altière.
Aux Galápagos, les coupes punk sont toujours à la mode
À les voir si vulnérables et tranquilles, entassées les unes sur les autres, amicales, câlines, je me demande de quel esprit tordu à pu sortir Godzilla.
Sur la plage, les play-boys ont les yeux bleus et portent du rouge
Les Galápagos ont leur festival de cinéma. Les starlettes de la croisette portent fourrure et mascara et s’étirent langoureusement sur les plages
Les otaries à fourrure des Galápagos ont le pelage noir et luisant quand elles sortent de l’eau et prennent une jolie couleur de baguette bien cuite une fois sèches.
Si sur terre elles semblent maladroites et embarrassées, langoureuses, affalées, lascives… elles sont si souples, gracieuses, puissantes et vives dans l’eau. Elles règnent en maître absolu sur chaque plage, chaque rocher, loin sur les terres, sous un arbre, sur un bateau abandonné, un escalier ou les bancs du port.
Elles sont merveilleuses de sensualité et d’abandon dans leur sommeil salé. Elles nous regardent avec ses prunelles étranges dans lequel le monde entier s’abîme, et je me demande, oui, vraiment, quel homme il faut être pour tuer une otarie, un bébé phoque ou une biche.
Il y a tellement de distance dans leur regard, on pourrait y lire leur incompréhension du genre humain, cette espèce imprévisible que nous sommes et que jamais nous ne pourrons nous rencontrer. Lorsque nous nous retrouvons sous l’eau, elles nous tournent autour, s’échappent et reviennent, effleurent à peine nos mains qui se tendent et repartent, nous évitent, nous frôlent à la vitesse d’une torpille et reviennent encore. Elles prennent de la distance, nous observent encore à quelques mètres, immobiles dans l’eau claire et s’en vont pour de bon, se riant sans aucun doute de nos palmes artificielles et de notre manque absolu de souffle et de grâce aquatique.
Les dieux du ciel des Galápagos sont fous
Ils partagent la couvée, les corvées alimentaires, la construction du nid.
Ils sont si peu farouches, si faciles à approcher qu’à chaque nouvelle rencontre mon cœur se serre à l’idée qu’ils puissent se trouver seuls face à des humains violents ou irrespectueux.
Ils nous regardent de profil avec leur pupille jaune, s’étonnent sans doute de notre apparence, des couleurs étranges dont nous nous parons. Ils hésitent un peu, se concertent en se touchant délicatement le bec, émettant de petits sifflements graves, un peu plaintifs, comme si l’on soufflait doucement dans une flûte à bec.
Ils se dandinent doucement, à la façon d’un pingouin, ne fuient ni ne crient pour tenter de nous chasser. Et ce sont les même qui se jettent en rafale, en piqué vertical fulgurant dans les flots impétueux. Même pas peur. Ils sont comme des avions kamikazes dans un ballet effrayant, d’une précision chirurgicale.
Les rois des mers ont les dents pointues et la peau dure mais ils sont d’une grande timidité
Ils sont légions ces étranges requins à se retrouver dans ses eaux limpides des Galápagos . Leurs silhouettes sombres si particulières se détachent sur le bleu du pacifique. Farouches et craintifs, ils s’éloignent avec élégance dés que nous approchons. Il faut se poser sur le sable, attendre de les voir défiler gracieusement. Ils font un ballet magnifique avec les bans de poissons anges et les raies aigles qui s’envolent avec légèreté du bout de leurs ailes pointues.
Ici, les albatros dansent, les poissons volent, les oiseaux marchent sur l’eau et les otaries s’aiment d’amour
Ce monde-là nous donnent les clés d’une autre porte à ouvrir : reconnaître les droits de la vie sauvage avant la vie de l’homme et la laisser reprendre ses droits.