Tyrans, dictateurs et génocide : Cambodge, 1975

Rendre visite à un pays, c'est parfois rendre visite à son histoire. Toutes ne sont pas faites que de gloire et de victoires mais aussi de désespoir

Phnom Penh, Cambodge.
Une ville grouillante de monde, des tuk-tuk bruyants, des temples, des marchés de rue, une rivière.
Il y a beaucoup de choses à visiter. Des musées, des palais, un marché de nuit, un camp d’extermination, un musée du crime génocidaire.
Les Killing Field et le Camp S21.
Les killing Field sont des charniers. On visite ces endroits pour aller à la rencontre de l’histoire du Cambodge.

Le camp S21 est un ancien lycée transformé en prison où étaient conduits les « «ennemis » de la révolution : la visite est édifiante

 

Ces fosses encore débordantes d’ossement et cette prison raconte une vieille histoire humaine, inhumaine…
En 1975, le 17 avril exactement, les Khmers rouges font leur petite révolution au Cambodge.
Il va s’en suivre quatre années de folie meurtrière délirante.
C’est l’année zéro.
Un quart de la population va mourir de faim, d’épuisement ou assassinée.
Deux millions de personnes.
Hommes, femmes, enfants.
Un génocide d’un peuple entier, par son propre peuple.
Une Shoa, un Rwanda.

Pendant le génocide du Cambodge, porter des lunettes, savoir réfléchir pouvait vous envoyer directement au charnier, si possible en passant par la salle de torture, branché sur un lit électrifié

 

Dans cette société idéale, les hommes et les femmes ne se choisissaient pas pour se marier, le hasard désignait les couples qui s’unissaient immédiatement à des inconnus, par dizaines. 
Très important pour les khmers rouges aussi : confisquer tous les vélos, sait-on jamais qu’un dissident arrive à transformer sa bicyclette en bazooka. Il fallait aussi abattre tous les arbres fruitiers, tous les oiseaux étant considérés comme des pilleurs de récolte, eux aussi à éradiquer !
Une folie pure.

Plus d’intellectuels, plus d’ingénieurs, plus de têtes pensantes, plus d’oiseaux et plus d’arbres fruitiers : le règne des Khmers rouges à détruit aussi l’esprit, l’intelligence

 

Du coup, plus de récolte de fruit non plus.
Mais le bon sens était lui aussi à éradiquer en ce temps là. 
Tortures, exécutions sommaires, aveux forcés, terreur.
A ce moment précis, il est quasi impossible de ne pas s’étonner de la créativité dont savent faire preuve les humains pour se faire mal : serpents, scorpions, électricité, outils agraires, branches de palmier. Dans les camps, on parle aussi de cannibalisme…
Je me demande ce que sont devenus ces bourreaux là. Ils sont encore vivants aujourd’hui. Que pensent-ils ? 

Ca commence toujours pour le bien et ça finit toujours mal. Un gouvernement dirigés par de purs abrutis, assassinant à tout va les érudits, les médecins, les intellectuels sont des histoires bien connues du règne humain

 

Tant qu’à faire autant que plus personne ne se mette à réfléchir, l’intelligence étant considérée comme une maladie très dangereuse, pas aussi contagieuse et ravageuse que la bêtise, certes, mais tout de même, à éradiquer aussi.
Je me demande ce qu’ont dû ressentir les victimes, écrasées, torturées par des bourreaux ignares, incultes, stupides…
J’imagine que jusqu’au bout elles se sont demandées pourquoipour quoi fairepourquoi moi ? Pourquoi cette souffrance ?
Ils sont morts sans comprendre.

Les hommes et les femmes qui ont subit cette tyrannie sont sans doute morts sans comprendre qu’un homme ou une femme  à qui on donne le pouvoir sur un autre homme ou une autre femme puisse faire ça

 

Tout ce qui a été fait ici bas a été fait par goût du pouvoir.
Celui de régner en maître absolu, de faire le pire et après le pire, pire encore.
Le plus médiocre, le plus vil des humains transformé en Dieux.
Car voilà que tout devient possible : ne plus forcer, ne plus travailler, ne plus craindre rien ni personne : le pouvoir total sur sa propre vie et celle des autres.
Ils étaient peu nombreux, oui, mais armés. Et drôlement motivés.
Enragés comme les humains savent l’être.
Les tortures ont été conduites tant par des hommes que par des femmes ou des enfants. Des enfants. Parfois leurs propres enfants.
Séparés très jeunes de leurs parents, élevés dans des camps sans aucun sens moral, ils sont devenus des monstres.
Une gifle donnée à son propre enfant était sanctionné par la peine de mort.
Des matons âgés de dix ans torturaient joyeusement leurs aînés. Ils étaient les plus cruels…

C’était le Cambodge en 1975. C’était il y à peine plus de quarante ans

 

C’est toujours la même histoire.
Rien de nouveau, d’insurmontable.
Rien que nous ne sachions combattre.
Tout est possible dans l’horreur. Vraiment tout et n’importe quoi.
Le soleil finit toujours par se lever sur les ténèbres.
Aucun tyran ne peut empêcher cela.
Même le pire s’arrête un jour.
L’arbre sur lequel on fracassait les bébés abrite le chant des oiseaux dans sa fière ramure.
Le soleil se couche aussi magnifiquement sur le petit lac du camp d’extermination, lui qui fut rempli ras la gueule de cadavres… comme si de rien n’était.
Mais il n’en est rien, car j’apprends l’histoire.
J’en fais le tour, d’un pas lent en écoutant les témoins du passé.
Le ciel devient rose, puis rouge…
Je suis là aujourd’hui, j’écoute votre histoire.
Je suis là, et parce que je suis là, moi qui vient de si loin, l’histoire se finira bien.
Les enfants grandiront à nouveau, ils apprendront à faire de leur mieux.
Nous y veillerons.

Voyager, c'est aussi entendre, apprendre, comprendre

Voyager c’est aussi aller à la rencontre des gens. Loin de l’Europe, les enfants sont partout : dans les rues, les marchés, les fêtes, les villages… 

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