Etre une femme libérée, est-ce le souhait de toutes les femmes du monde ?
Je suis une femme et je voyage seule. Je suis souvent face à des cultures bien différentes de la mienne. Je suis, quelquefois abasourdie par leurs mentalités, leurs coutumes, leur façon de vivre et leur assentiment à se conformer à des règles sociales ou religieuses. La plupart du temps, je ne juge pas, sauf bien sûr lorsqu’il s’agit de violences. Dans ces cas là, je m’insurge. Mais je ne peux à moi seule changer les us et coutumes d’un pays tout entier. Je soutiens de tout mon cœur les femmes qui souffrent et se battent pour changer le système qui les oppresse. Il y a le meurtre, la lapidation, les mariages forcés de petites filles impubères, l’excision, le viol… Nous parlons-là de crime, de violence, de domination primitive et c’est inacceptable. Je parle ici de tradition sans violence.
Il faut parfois se retrouver bien loin de chez soi, immergée dans la culture locale pour se rendre compte que non, toutes les femmes du monde n’aspirent pas à vivre la vie d’une femme occidentale libérée.
S’il est une chose que le voyage peut nous apprendre c’est qu’il faut bien se garder de juger une culture africaine, asiatique ou américaine avec des yeux d’européen
Dans bien des pays, c’est la tradition qui choisit : les femmes se marient, font des enfants, s’occupent de leur famille et travaillent à la maison. Ce n’est pas toujours un carcan, c’est parfois un cocon
Si les femmes sont souvent prises dans un carcan social définit par une tradition patriarcale, ce ne sont pas que les hommes qui en sont les auteurs. Beaucoup de femmes en sont les gardiennes et travaillent à faire perdurer les traditions auxquelles elles sont très attachées. Surprenant mais vrai, bien des femmes sont prêtes à tout pour garder leurs filles dans le droit chemin et les protéger des influences néfastes des femmes libérées.
En effet, suivre le même chemin que la mère est d’une certaine manière confortable, sécurisant. Le savoir est valorisé, transmis dans la confiance et c’est l’identité de la famille qui perdure. Les membres de la famille appartiennent à un clan, une tribu et ne sont jamais seuls. Ils sont légitimes, ils ont une place dans le monde.
Ce sentiment d’appartenance est très important, il est sécurisant, protecteur.
Pour beaucoup de jeunes filles, se mettre à étudier des choses que personne ne connait à la maison demande un énorme effort, une trahison et un gros risque de perdre leur place. Elles sortent du cocon, se retrouvent parfois bien seules et doivent faire face à l’adversité d’une société régit par des codes masculins contre lesquels la famille ne peut plus les défendre.
Dans une société traditionnelle, toutes les femmes n’ont pas envie d’être libérées, au contraire
Les femmes européennes sont des modèles qu’elles refusent en bloc. Dans certains pays où elles ont la réputation de vivre écrasées sous la botte des hommes, on peut aussi entendre les femmes indépendantes et libérées leur font pitié : elles doivent travailler comme des chèvres, faire des enfants, s’occuper de la maison, travailler dehors et en plus elles portent les poubelles !
Pourquoi subir un patron, des horaires, des contraintes, devoir continuellement prouver sa valeur alors que toute une famille a besoin de leur travail, de leur présence et de leur soutien ? A la maison, elles ont plus de liberté et se sentent compétentes. Au foyer, elles ont aussi de la reconnaissance. Celle-ci est inconditionnelle, elle nourrit l’estime de soi, c’est une grande source de motivation et d’épanouissement.
J’ai rencontré beaucoup de femmes qui ne souhaitent pas du tout travailler à l’extérieur. Ce qu’elles veulent c’est rester à la maison et s’occuper de leur famille
Elles trouvent le statut de femme au foyer rassurant même si leur travail quotidien est difficile, épuisant, elles n’envient pas du tout les modèles européens.
Le moindre problème domestique tel qu’une ampoule grillée ou un frigo en panne ne les concernent pas du tout. Ce sont les hommes qui doivent s’en occuper. Tout comme ramener l’argent à la maison, c’est aux maris de le gagner et aux femmes de le dépenser.
A l’heure où l’on parle de plus en plus de la fameuse charge mentale des femmes qui cumulent beaucoup de responsabilités, on peut légitimement se demander si ces femmes au foyer, enfermées dans la tradition n’ont pas une vie plus heureuse.
Dans les société patriarcales, les femmes sont souvent plus présentes et plus nanties d’autorité qu’on ne le croit de prime abord
il ne faut pas toujours se fier à leurs apparences de femmes soumises. Ce pouvoir, cette influence restent discrets, cela se passe entre les murs, dans les tête-à-tête. En société, il faut faire profil bas, marcher derrière son mari et surtout se taire, ne jamais contrarier les hommes. En privé, c’est une tout autre histoire ! La maison est un territoire sur lequel elles règnent en maître. Jamais un homme n’avouera que telle ou telle décision a été prise par sa femme, en public il s’en attribuera la paternité, c’est une question d’honneur. Dans le cas contraire il s’avouerai faible, incapable de protéger sa propre famille.
Ne nous hâtons pas de juger ce tour de passe-passe, au final ce qui compte c’est sûrement que les femmes font entendre leur voix et prennent part aux décisions.
Il faut lutter contre les idées reçues appliquées aux statuts des femmes et ne pas faire de généralités
J’ai vu sur mon chemin des femmes heureuses de leur conditions, des pères aimants prêts à s’endetter pour financer les études de leur fille. Mais toutes les femmes du monde ne rêvent pas d’indépendance. Leur liberté est ailleurs. Elles sont bien plus appréciées, soutenues dans leurs tâches quotidiennes qu’en Europe. La famille est très présente dans leur quotidien : père, mère, soeurs ou tantes sont à leurs côtés.
Quant à l’éducation des enfants, dans certains pays il est tout à fait normal qu’ils changent de maison (chez une tante, une soeur) selon les besoins de la famille. Au quotidien, il se trouve presque toujours des bras pour s’occuper des petits si la maman est fatiguée, travaille au jardin ou part faire des courses. Les grands-parents vivent sous le même toit et le travail est réparti entre tous. Contrairement aux pays européens, pas de nounou à rétribuer, pas de course contre la montre, pas de triple journée boulot-bébé-balai.
Lorsqu’on vit dans une famille des Philippines ou d’Arabie saoudite, on se rend compte à quel point les femmes occidentales sont seules
Seules avec leur baby-blues, seules avec leur stress, seule face aux difficultés familiales, aux questions éducatives et seules face aux jugements.
Dans ces autres pays, pas de honte de donner son bébé qui pleure à des bras disponibles parce que maman n’en peut plus, de laisser les enfants en guenilles jouer dans la boue des rizières ou demander aux aînés de faire des tâches domestiques.
Si ces sociétés semblent archaïques, sous certains aspects elles se montrent bien plus bienveillantes à l’égard des femmes quand elles prennent de l’âge. Elles ne se débattent pas dans des calculs de points de retraite en s’angoissant à l’idée de l’hospice ou du désert de solitude qui les attend. Elles auront toujours un enfant qui les accueilleront, une maison où elles seront utiles et respectées.
Quels que soient leur mode de vie, toutes les femmes du monde ont droit au respect et à la considération
Avoir une famille pour beaucoup d’entre elles est un accomplissement fondamental. Il est malvenu de juger leur condition de femme au foyer sans valeur. Elles mérite respect, empathie et considération. Pourquoi un modèle occidental de femme active à l’extérieur serait-il meilleur que celui d’une femme au foyer indienne ou péruvienne ? Leur tâche est grande, épuisante, importante et épanouissante. Elle est digne du plus grand respect.
Oui mais alors, qu’en est-il de la liberté de faire ses propres choix quand on est une femme d’un pays conservateur ?
Le monde change, les société aussi. Les femmes qui sont oppressées par des systèmes autoritaires finiront j’en suis sûre par faire changer les choses. Je suis de tout coeur avec toutes celles qui souffrent et meurent pour avoir bravé des interdits ineptes et inutiles. Malgré tout, je reste convaincue que ces évolutions demandent du temps : on ne change pas la structure séculaire d’une société humaine en claquant des doigts.
Respecter la culture et ne pas la juger est essentiel. Quant à la souffrance et l’injustice que subissent les femmes, tous les moyens de les combattre ne passent pas par la violence
Contre les idées reçues, l’obscurantisme, l’ostracisme, il faut se battre chaque jour. Faire reculer la bêtise, progresser l’éducation tout en respectant ces équilibres fragiles de sociétés sans cesse en évolution. Pour tout cela, le voyage au long cours est riche d’enseignements !
De toutes ces rencontres avec les femmes du monde, bédouine, citadine, paysanne, chef d’entreprise ou au foyer, il subsiste surtout un profond respect et une grande affection, quel que soit leur mode de vie.